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Poème d'une chèvre

 

Poème d'une chèvre

 

 

« Après les grands troupeaux, il est temps que je chante
Des chèvres, des brebis la famille bêlante.

Ô vous, heureux bergers, veillez à leurs besoins ;
Leur toison et leur lait vous paîront de vos soins.
Et moi, puissé-je orner cette aride matière !
Des ronces, je le sais, hérissent ma carrière ;

Mais des sentiers battus je détourne mes pas ;
Oui, les déserts du Pinde ont pour moi des appas :
Dans ces sentiers nouveaux qu'a frayés mon audace,
Mon œil d'aucun mortel ne reconnaît la trace.

Viens, auguste Palès, viens soutenir ma voix.

D'abord, que tes brebis, à couvert sous leurs toits,
Jusqu'au printemps nouveau se nourrissent d'herbage ;
Qu'une molle fougère et qu'un épais fourrage,
Sous leurs corps délicats étendus par ta main,
Rendent leur lit moins dur, leur asile plus sain.

Les chèvres, à leur tour, veulent pour nourriture
Des feuilles d'arboisier et l'onde la plus pure :
Écarte de leur toit l'inclémence des airs :
Qu'il reçoive au midi le soleil des hivers,
Jusqu'aux jours où Phébus, quittant l'urne céleste,
Du cercle de l'année achève enfin le reste.

Oui, comme les brebis, l'humble chèvre a ses droits ;
Si leur riche toison, pour habiller les rois,
Aux fuseaux de Milet offre une laine pure,
Et du poisson de Tyr boit la riche teinture,

La chèvre a des trésors qui ne lui cèdent pas :
Ses enfans sont nombreux, son lait ne tarit pas ;
Et plus ta main avare épuise sa mamelle,
Plus sa douce ambroisie entre tes doigts ruisselle.

Cependant son époux contre l'âpre saison
Nous cède ces longs poils qui parent son menton.

Le jour, au fond des bois, au penchant des collines,
Elle vit de buissons, de ronces et d'épines ;
Le soir, fidèle à l'heure, elle rentre au hameau :
Elle-même rassemble et conduit son troupeau ;
Et, le sein tout gonflé des tributs qu'elle apporte,
Du bercail avec peine elle franchit la porte.

Soigne-la donc au moins durant les froids hivers,
Et tiens sa maison chaude et tes greniers ouverts.

Mais le printemps renaît, et le zéphyr t'appelle :
Viens, conduis tes troupeaux sur la mousse nouvelle ;
Sors sitôt que l'aurore a rougi l'horizon,
Quand de légers frimas blanchissent le gazon,
Lorsque, brillant encor sur la tendre verdure,
Une fraîche rosée invite à la pâture.
Mais quatre heures après, quand déjà de ses chants
La cigale enrouée importune les champs,
Que ton peuple, conduit à la source prochaine,
Boive l'eau qui s'enfuit dans des canaux de chêne.
À midi, va chercher ces bois noirs et profonds
Dont l'ombre au loin descend dans les sombres vallons.

Le soir, que ton troupeau s'abreuve et paisse encore.
Le soir rend à nos prés la fraîcheur de l'aurore ;
Tout semble ranimé, gazons, zéphyrs, oiseaux :
Rossignols dans les bois, alcyons sur les eaux. »

 

Virgile, Géorgiques (extrait), Ier siècle av. J.-C.

(traduction de Jacques Delille, 1770)

 

 


 

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04/02/2011
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